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Evaluation of potencial worker

Peut-on avoir du plaisir dans le feedback ?

Lucie n’a plus la tête à son travail. Il y a 8 jours elle a eu son « entretien annuel de revue des performances et de fixation d’objectifs » avec Pierre, son manager. En fait, ça fait 1 mois que ça dure, depuis son retour du congé de Noël-Nouvel-An.  Chaque année c’est la même chose, « LA grande cérémonie » annuelle. Tout le monde en fait ne parle que de cela pendant quatre semaines et n’a l’esprit à rien d’autre. C’est une espèce de campagne massive de stérilisation des cerveaux…

Elle a reçu sa convocation annuelle via le service des Ressources Humaines pour lancer le grand rituel de passage de l’année et prendre rendez-vous avec son manager d’ici trois semaines. Trois semaines d’anticipations négatives du genre « qu’est-ce qu’il va me trouver à redire ? », d’angoisses larvées sur les nouveaux objectifs du style « ça n’est jamais assez » et de préparation intensive de ses arguments de défense « au cas où ». En plus la partie variable de son salaire en dépend et cette année elle compte dessus pour rénover la toiture. C’est vraiment pas juste, toute l’année on lui demande de travailler en équipe et puis fin janvier, Lucie à l’impression de se retrouver toute seule à devoir se défendre face au « tribunal  des performances individuelles ». Plus d’esprit d’équipe, chacun pour soi.

Pierre n’est pas plus à l’aise et passe son mois de janvier à sous-peser les éléments « à charge et à décharge » pour chacun de ses collaborateurs. Honnêtement, il se souvient surtout des quelques problèmes qu’il a pu avoir avec Lucie, mais les « bonnes nouvelles » ont disparu de sa mémoire dans le flot du travail quotidien.  En plus,  la Direction a décidé d’ajouter des critères de comportement et de respect des valeurs, notamment le Respect et l’Authenticité. « Va-t’en savoir comment je peux évaluer quelque chose d’aussi subjectif » se dit Pierre. Et pour corser le tout, comme tous les managers, Pierre essaye d’équilibrer la répartition de la maigre enveloppe de rémunération variable qu’il a reçue pour son service.

Évidemment, ça ne s’est pas très bien passé. Pierre était mal à l’aise dans ce rôle inhabituel et très formel de « juge », se demandant pour les points négatifs « comment vais-je lui dire cela ? » et pour les points positifs « comment ne pas en faire trop par rapport aux autres ? ». Pour Lucie, c’était pire. Elle a eu l’impression que tous les efforts qu’elle avait fait durant l’année n’étaient « pas reconnus à leur juste valeur » et que par contre Pierre « ne lui a rien passé » des quelques problèmes qu’elle a pu avoir. Lucie trouve que tout cela n’est pas équitable, que son statut dans l’équipe en sort plutôt amoindri, que la relation avec Pierre « n’est plus ce qu’elle était », qu’elle n’a pas reçu assez pour refaire son toit et que pour les valeurs de « Respect et Authenticité », son entreprise peut repasser ! Elle est profondément démotivée. Il va lui falloir des semaines pour remonter la pente…

Et si au lieu d’allumer le circuit de la menace et de la peine dans le cerveau de nos collaborateurs nous en profitions pour allumer le circuit de la récompense et du plaisir !

Rembobinons le film et rejouons la scène. Cette année la procédure d’évaluation annuelle a changé. D’abord, il s’agit d’un vrai entretien individuel « de progression et de motivation », qui n’est plus lié à la rémunération variable. Cette dernière a été fixée pour l’ensemble de l’équipe et ils se sont tous entendus sur la répartition. Par ailleurs, Pierre a demandé à chaque membre de son équipe d’écrire pour chaque collègues 2 anecdotes de l’année écoulée retraçant une contribution importante, voire exceptionnelle de ce dernier. Non seulement Lucie a eu beaucoup de plaisir à se remémorer et décrire brièvement des histoires positives sur chacun de ses collègues, mais surtout, une semaine avant l’entretien, comme chacun elle a reçu les 12 anecdotes qui la concernent. Elle n’en n’est pas revenue ! Il y avait tellement de choses qu’elle avait oubliées ou qui lui semblaient aller de soi et que pourtant ses collègues appréciaient grandement chez elle. Elle s’est rendu compte de ses forces et de ce que les autres admiraient chez elle. Ça l’a complètement « boostée » !

Pierre n’est pas naïf pour autant et avait aussi demandé à chacun d’offrir un seul conseil pour aider chaque collègue, s’il s’améliorait sur ce point, à réaliser le maximum de son potentiel. Lucie a été très intéressée par les trois conseils sélectionnés par Pierre et s’est imaginée comment cela serait si  quelques mois plus tard elle réussissait à les mettre en pratique.

L’entretien a été un moment rare et authentique, un vrai moment de leadership. Pierre a surtout posé des questions sur ce que Lucie avait retiré de tous ces avis et Lucie s’est vraiment sentie écoutée, respectée et valorisée. Pierre lui a demandé de sélectionner un seul objectif d’amélioration dans la liste des conseils proposés par ses collègues, mais Lucie était tellement motivée par la gratitude ressentie dans les témoignages reçus qu’elle a voulu mettre la barre plus haut et s’est fixée deux objectifs pour l’année à venir…en se réjouissant déjà  des histoires appréciatives de ses collègues qu’elle allait recevoir l’an prochain. Enfin Pierre lui a demandé comment il pouvait l’aider à donner le meilleur d’elle-même sur les forces mises en avant par ses collègues et sur les deux objectifs qu’elle avait choisis.

Dans les jours qui ont suivi, les discussions d’équipe à la cafeteria allaient bon train, la bonne humeur régnait et on ressentait une énergie incroyable. Les clients n’ont jamais été si bien servis ! Tout le monde semblait dopé à la dopamine, vous savez, le neurotransmetteur du Plaisir…

 

Patrick Goffart, Vice-Président PPLP Management International

 

 

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